RECRUTEMENT DE SAISONNIERS MAROCAINS : QUE SE PASSE-T-IL A L’OFII ET AU CONSULAT DE FRANCE A CASABLANCA ?

visas

Entre absence de rendez-vous et refus de visas, une réforme est impérative !

Depuis plusieurs mois notre cabinet est constamment contacté par des entreprises françaises qui éprouvent d’énormes difficultés à avoir des rendez- vous pour le dépôt des demandes de visas des saisonniers qu’elles recrutent. Pire encore, certaines entreprises sont confrontées à des refus de visa systématiques et incessants devant le consulat de France à Casablanca.
Le secteur agricole en France souffre d’une très grande pénurie de main d’œuvre. À ce titre, les entreprises du secteur agricole ont régulièrement recours
à la main d’œuvre étrangère particulièrement des ressortissants marocains. En juin 2023 le premier syndicat agricole français FNSEA, l’Office français de
l’immigration et l’agence marocaine de l’emploi ont signé une convention pour « faciliter le recrutement de travailleurs saisonniers agricoles marocains » par des exploitants français. Le secteur agricole figure en tête sur la liste de métiers en tension.

Alors pourquoi, rendre si difficile les procédures de demandes de visas des saisonniers marocains qui doivent venir travailler en France ?

Pour rappel, le recrutement de saisonnier marocain passe par plusieurs étapes :
– Il faut tout d’abord déposer une autorisation de travail pour un contrat d’une durée de quatre à six mois
– Une fois l’autorisation travail obtenue, elle est transmise à l’OFII de Casablanca qui doit procéder à la convocation des saisonniers pour la visite médicale et le dépôt de la demande de visa.
La convocation des salariés est adressée à l’employeur.


Depuis la période post covid 2019 d’énormes difficultés apparaissent dans le traitement des dossiers saisonniers et dans la convocation des rendez-vous de
demande de visa. De plus en plus d’entreprises éprouvent des difficultés à faire venir des travailleurs agricoles saisonniers.

D’une part, la crise diplomatique entre la France et le Maroc a fortement affecté les délivrances de visas aux saisonniers marocains et à ce titre plus de 50 % des demandes de visa saisonniers étaient refusées. Cette crise diplomatique s’étant quelque peu apaisée, les difficultés dans le cadre des demandes de visas se sont gravement accentuées et curieusement personne n’en parle.

I. ABSENCE DE RENDREZ-VOUS

Beaucoup d’entreprises sont confrontées au fait qu’aucun rendez-vous n’est fixé après l’obtention de l’autorisation de travail. Oui aucun.
Les saisonniers peuvent attendre un, deux, trois, quatre, six et même douze mois après la délivrance de leurs autorisations de travail sans être convoqués par
l’OFII de Casablanca.
Certaines entreprises qui ont obtenu des autorisations de travail depuis avril 2022 n’ont jamais reçu de convocation, d’autres entreprises reçoivent des
convocations six mois après l’obtention de l’AT après plusieurs relances et déplacements au consulat.


Cette situation entraine d’énormes difficultés puisque le travail saisonnier requiert la présence d’ouvriers pour une activité périodique, les dates prévisionnelles d’embauche sont extrêmement importantes, étant donné qu’elles correspondent à des saisons (récolte, semage, labourage etc…) et que l’absence de main-d’œuvre cause un très grand préjudice aux entreprises françaises. Pour l’instant, le seul moyen de communication avec l’Ofii qui gère les convocations, est le mail et les relances des demandes de rendez-vous qui reste
sans réponse.

Certains chefs d’entreprise se déplacent au Maroc, à l’OFII de Casablanca pour voir « où en est le dossier des saisonniers » et pour solliciter des rendez-vous.


D’autres l’obtiennent dans les semaines qui suivent et d’autres pas du tout mais les clients nous informent qu’ils se déplacent plusieurs fois pour obtenir des
rendez-vous en vain.

Engorgement de l’OFII de France à Casablanca ?


La problématique des rendez-vous à l’OFII rappelle celle des rdvs en préfecture. Sans doute les demandes de visas ont-elles augmentées et que l’OFII de France à Casablanca est complétement engorgée. Il n’en demeure pas moins, qu’une solution doit être rapidement trouvée afin de fluidifier les rdvs de dépôt des demandes de visas. L’administration ne s’en rend pas compte. Le problème persiste depuis 2 ans maintenant et mettent gravement en péril l’activité des entreprises françaises qui dépendent de la main-d’œuvre saisonnière marocaine pour leurs activités.

II. LES REFUS DE VISA

Le second problème auquel les entreprises sont confrontées est le refus de visa des saisonniers marocains. 10 saisonniers, recrutés par une même entreprise peuvent présenter des dossiers identiques, 4 se voient attribuer les visas et 6 refuser sans raison valable.
Pire encore, certains saisonniers ont des refus verbaux. Leur dossier leur est restitué sans nouvelle date de rdv. Des entreprises qui recrutent des saisonniers marocains depuis des années, qui en font venir plus d’une cinquantaine par an, se voient refuser systématiquement
des visas.


Certaines demandes de visas qui sont déposées ne reçoivent jamais de réponse. Certes, il existe une nécessité de vigilance et de contrôle sur l’attribution des
visas saisonnier afin d’éviter le détournement de l’objet des visas et l’abus de faiblesse des saisonniers marocains.
Cela ne justifie pas les refus massifs qui sont en train d’être opposés aux saisonniers marocains car la plupart des entreprises françaises sont des
entreprises qui travaillent de manière honnête, qui respectent la loi et qui ont un réel besoin de cette main-d’œuvre pour pouvoir développer leur activité.


Et pourtant, les recours contre les refus de visas saisonniers, que nous effectuons devant le tribunal administratif de Nantes sont acceptés et il est
systématiquement enjoint au ministre de délivrer les visas. Nous démontrons que les saisonniers et les entreprises remplissent l’ensemble des conditions.
Malheureusement très peu de visas sont contestés par rapport à la proportion de refus.


Selon une étude réalisée par le ministère de l’Intérieur en 2020, intitulée « Attirer et protéger les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers en
France », le Maroc est le premier pays de provenance de travailleurs saisonniers en France. Cette étude précise également que le taux de retour des travailleurs saisonniers marocains est de 95% en 2019 et de 96% en 2018.

III. NECESSITE DE REFORMER LE SYSTEME DE RECRUTEMENT DE SAISONNIER MAROCAIN

Il est urgent de réformer le système de recrutement des saisonniers étranger particulièrement pour le Maghreb.


D’une part, le titre de séjour d’une durée de trois années pour un travail de dix mois avec une résidence obligatoire hors de France devrait être modifiée.
Car elle pose beaucoup de difficultés aux préfectures, qui, elles-mêmes en surcharge d’activités, traitent difficilement les demandes des saisonniers dans les
délais impartis.


Une administration solide spécialisée dans l’introduction de main-d’œuvre saisonnière devrait être constituée en France et localement. Elle pourrait être
codirigée par les fédérations agricoles et l’administration des étrangers ; cette nouvelle administration pourra recueillir les besoins de recrutement des
entreprises agricoles afin d’effectuer toutes les vérifications légales et ainsi délivrer à ces entreprises des autorisations de recrutement.


Parallèlement l’OFII ou un organe distinct à Casablanca pourrait se charger de vérifier les dossiers des saisonniers postulants qui pourront bénéficier
d’autorisation de travail (renouvelée tous les ans suivant le respect des conditions de séjour en France).


Ainsi toute entreprise bénéficiant d’une autorisation de recrutement pourrait faire venir facilement un salarié étranger bénéficiant d’une autorisation de
travail avec une simple formalité de visa délivré sans rdv par l’organisme responsable.

IV. LES DIFFICULTES DE TRAITEMENT DES DEMANDES DE TITRES DE SEJOUR DES SAISONNIERS EN FRANCE

Le droit au séjour des saisonniers doit être traité en dehors des préfectures qui ont suffisamment de difficultés à traiter les dossiers des étrangers résidant en
France. Car l’une des plus grandes difficultés des saisonniers arrivés en France, c’est la lenteur de traitement des dossiers de demandes de titres de séjour en préfectures pour les saisonniers.


Les saisonniers qui détiennent un visa de trois mois doivent faire une demande de titre de séjour dés leur arrivée en France et ils ne doivent pas rester plus de 6 mois sur le territoire français. Alors que certaines préfectures, et de plus en plus en plus, ont des délais de traitement extrêmement longs. Le droit au séjour des saisonniers ne devrait plus être confié aux préfectures.

Les travailleurs saisonniers étrangers, qui sont revenus en masse depuis la levée des restrictions liées au Covid-19, jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de l’agriculture française. Leur contribution est devenue si indispensable au fil des ans dans les exploitations agricoles que les employeurs ont sollicité les autorités françaises pour organiser des ponts aériens exceptionnels pendant le pic de la pandémie afin d’acheminer des travailleurs alors que les liaisons aériennes étaient suspendues.

En octobre 2020, par exemple, l’OFII a fait venir 900 travailleurs marocains pour sauver les récoltes de clémentines corses. De même, 300 autres travailleurs ont été acheminés en décembre de la même année vers les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse pour travailler dans le maraîchage et lhorticulture. Il est impératif de lever les freins des procédures d’introduction des saisonniers particulièrement pour les ressortissants marocains. La direction générale des étrangers en France devrait entamer une réforme profonde.

Maitre Fatou BABOU
Avocate au Barreau de BORDEAUX

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