Une vague de refus d’échange de permis de conduire burkinabé.
Cet article ci-dessous a été rédigé, pour les ressortissants Sénégalais, il s’avère que les ressortissants burkinabé sont dans la même situation.
Au lendemain du déconfinement en France, plusieurs dizaines de sénégalais ont reçu la notification de décisions portant refus d’échange de leur permis de conduire en permis français, prises par la préfecture de Loire- Atlantique.
En effet, l’ensemble des décisions de refus comportent les mêmes motivations en fait et en droit, en l’espèce, l’absence d’accord de réciprocité en matière d’échange de permis entre la France et le Sénégal conformément à l’article R222-1 du code de la route.
Les ressortissants sénégalais ayant reçu cette décision, remplissaient, à la date de leurs demandes, toutes les conditions visées à l’article 11 III. de l’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’Espace économique européen.
Il appert qu’à la suite d’une réforme européenne venue harmoniser les conditions de délivrance des titres de permis de conduire par les autorités des États de l’Espace Économique Européen, les autorités françaises ont mis fin à la pratique d’échange des permis de conduire sénégalais au 31 mars 2020.
Cette mesure a entraîné un désarroi sans précédent pour plusieurs ressortissants Sénégalais, et appelle une problématique juridique majeure en matière d’application dans le temps de changement de pratiques internationales.
- Désarroi et situations préjudiciables des ressortissants sénégalais
Les ressortissants Sénégalais ayant reçu notification du refus d’échange, ne sont plus autorisés à conduire en France avec leurs permis nationaux :
Pour certains, la conduite est une nécessité impérieuse résultant notamment de leur activité professionnelle, de l’éloignement de leur lieu de résidence, de trajets journaliers qu’ils doivent effectuer.
Pour d’autres la conduite, conditionne leur droit au séjour en France, c’est le cas de chauffeurs livreurs, ou chauffeur poids lourd ayant obtenu un titre de séjour « salarié ».
Plusieurs familles sont tributaires de cette mesure qui les place dans une situation d’extrême précarité.
L’administration française précise dans ses décisions, que les ressortissants faisant l’objet de refus pour défaut d’accord de réciprocité, pourront néanmoins passer le permis en candidat libre. Seulement le caractère onéreux du passage du permis français pourrait priver les demandeurs de cette autorisation ; et les délais de passage, dans ce contexte de covid-19 et d’état d’urgence sanitaire, pourront gravement accentuer leurs situations déplorables.
- Insécurité juridique
Il ressort de l’analyse de plusieurs décisions de refus d’échange, que les ressortissants Sénégalais avaient effectué leur demande depuis plus d’une année.
Soit au moment de l’enregistrement de leur demande d’échange de permis, la pratique de réciprocité entre le Sénégal et la France perdurait.
Cet état de droit appelle plusieurs problématiques de sécurité juridique.
D’une part il ressort du raisonnement de l’administration française, qu’elle applique de manière rétroactive les mesures et l’état de droit instaurés à compter du 31 mars 2020.
D’autre part, les Sénégalais ayant reçu les décisions de refus postérieurement au 31 mars 2020, subissent les conséquences d’un délai de traitement anormalement long de leurs demandes d’échange de permis de conduire.
En tout état de cause, deux perspectives s’envisagent face à ce chaos juridique : soit l’administration devra réexaminer les demandes et accepter d’échanger les permis soumis antérieurement au 31 mars 2020,
Soit la juridiction administrative devra examiner la légalité de ces décisions et la responsabilité de l’État français dans l’application des mesures mettant fin à la pratique de réciprocité aux ressortissants sénégalais ayant sollicité l’échange de leur permis de conduire avant le 31 mars 2020.
Notre cabinet a été constitué par plusieurs Sénégalais qui sont dans une situation d’extrême urgence face à ce nouvel état de droit.
Les recours hiérarchiques et juridictionnels seront adressés dès la semaine prochaine aux institutions compétentes sur toute l’étendue du territoire français.
En raison des situations d’extrême urgence de certains de nos clients, des actions en référé seront engagées.
Il apparaît également que les ressortissants malgaches et de la Guinée Équatoriale sont exposés à la même problématique.
Maître Fatou BABOU
Avocat au Barreau de Bordeaux
05 56 77 34 37
Tribunal administratif de Bordeaux,
Préfecture de Loire-atlantique
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