
- La perte de sens du référé mesures utiles,
- La dérive des recours devenus des outils de réaction administrative,
- L’impact sur le recrutement des étrangers qualifiés
I – Une administration étranglée par la dématérialisation
Depuis plusieurs années, les préfectures françaises connaissent un engorgement structurel. Le traitement des demandes de titres de séjour, de renouvellement ou de changement de statut s’étire sur des mois, parfois sur des années, sans qu’aucune réponse ne soit donnée.
L’outil censé apporter la solution l’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) s’est rapidement mué en facteur de complexité : dossiers bloqués “en cours d’instruction”, impossibilité de déposer son dossier, absence de convocation ou d’attestation de prolongation de droits au séjour, réponses automatiques sans portée juridique ou impossibilité de prendre rendez-vous.
Dans ce contexte, de nombreux étrangers se retrouvent brutalement sans titre de séjour, sans récépissé et, par conséquent, sans autorisation de travail.
Les effets sont immédiats : perte d’emploi, suspension de contrat, rupture d’études, précarisation des familles.
Cette inertie crée une insécurité juridique et sociale que le droit commun ne permet plus de corriger à temps.
II – Le référé mesures utiles : un outil d’urgence vidé de sa substance par la DIR
Face à cette carence, le référé mesures utiles (art. L. 521-3 CJA) est devenu le principal recours de sauvegarde.
Ce mécanisme d’urgence permet au juge d’ordonner à l’administration d’accomplir une diligence essentielle pour l’étranger : délivrance d’un récépissé, enregistrement d’un dossier, ou attestation de prolongation sans trancher le fond du droit au séjour.
En théorie, le dispositif devait protéger le justiciable contre le silence administratif.
En pratique, il se heurte à la fiction juridique du rejet implicite.
Les articles R. 432-1 et R. 432-2 du CESEDA prévoient qu’un silence de quatre mois vaut décision implicite de rejet.
Les juridictions administratives s’appuient désormais sur cette règle pour refuser d’ordonner toute mesure utile dès l’expiration de ce délai.
Ainsi, le juge de l’urgence se trouve paralysé : le temps écoulé devient un argument d’irrecevabilité.
Paradoxe juridique et humain : plus la préfecture tarde à répondre, plus elle est protégée, et plus l’étranger est vulnérable.
Exemple 1 : salarié hautement qualifié privé de travail
Un ressortissant américain, ancien cadre d’une société internationale de jeux vidéo, résidait en France sous couvert d’un passeport talent – salarié en mission.
Recruté en CDI par une entreprise française pour un poste de chef de projet numérique (85 000 € annuels), il dépose une demande de changement de statut vers la carte bleue européenne.
Malgré un dossier complet, la préfecture reste silencieuse après l’expiration du récépissé initial.
Le salarié, privé de droit au travail, saisit le juge des référés pour obtenir une autorisation provisoire.
Par ordonnance, le tribunal administratif rejette la requête :
« Le silence gardé pendant quatre mois vaut décision implicite de rejet ; cette décision fait obstacle à toute mesure utile » (art. R. 432-2 CESEDA).
Résultat : un cadre intégré, employé et fiscalement résident, se retrouve sans séjour, sans travail et sans revenu.
Exemple 2 : L’étudiante congolaise privée de titre et d’emploi
Une étudiante congolaise, inscrite dans une école de commerce en Master 2, dépose le 3 février 2025 une demande de renouvellement de titre de séjour via l’ANEF.
Dossier complet, aucune convocation, aucune attestation, aucune réponse.
Son employeur, une grande enseigne de prêt-à-porter, suspend puis rompt son contrat.
Elle saisit le tribunal administratif de Versailles en référé.
Par ordonnance du 23 septembre 2025, la juridiction rejette sa requête :
« La mention “en cours d’instruction” sur l’ANEF ne fait pas obstacle à la naissance d’une décision implicite de rejet. »
Le juge entérine donc un refus fictif, alors même que le dossier n’a jamais été examiné.
L’étudiante perd son emploi, interrompt ses études et tombe en irrégularité involontaire.
La fiction du droit produit ici une réalité de précarité.
III – Des recours transformés en instruments de réaction administrative
Le référé mesures utiles n’est plus un recours de justice, mais un signal administratif.
Lorsqu’une requête est, par extraordinaire audiencée, la préfecture s’empresse de réagir : convocation du demandeur, délivrance d’un récépissé ou d’une attestation quelques jours avant l’audience.
Le juge, constatant la régularisation, prononce alors un non-lieu à statuer.
La même logique prévaut dans les recours pour excès de pouvoir : après douze à dix-huit mois d’instruction, la préfecture réactive soudainement le dossier pour éviter une condamnation.
Ces comportements traduisent un détournement fonctionnel du contentieux administratif : le juge devient le moteur de l’action préfectorale, et la procédure, un outil de gestion du retard.
Cette judiciarisation réactive a des effets pervers :
- elle ralentit le traitement administratif ordinaire ;
- elle engorge les tribunaux déjà saturés ;
- elle dénature la mission du juge de l’urgence, réduit à suppléer la carence de l’État.
Le recours devient ainsi le seul langage compris par l’administration.
L’audience supplante le guichet préfectoral.
IV – L’inexécution des décisions de justice : nouvel avatar de l’inertie administrative
Même lorsqu’une ordonnance de référé ou un jugement au fond vient consacrer la légitimité du demandeur, la victoire contentieuse reste souvent théorique.
Dans la pratique, il n’est pas rare que la préfecture n’exécute pas les injonctions du tribunal qui lui sont adressées.
Ainsi, malgré une décision enjoignant la délivrance d’un récépissé ou le réexamen d’une demande de titre de séjour, les services préfectoraux tardent à s’exécuter, voire ne s’exécutent pas du tout.
Les avocats sont contraints d’adresser de multiples relances, parfois sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, pour rappeler à l’administration l’obligation de respecter la décision du juge.
Dans certains cas, il faut même ressaisir le tribunal administratif, cette fois au titre du contentieux de l’exécution, afin d’obtenir une nouvelle ordonnance ordonnant à la préfecture d’exécuter celle déjà rendue.
Cette situation, de plus en plus fréquente en matière de droit au séjour, illustre une dérive préoccupante : la désobéissance silencieuse de l’administration face à l’autorité du juge.
Le résultat est paradoxal : le justiciable, déjà victime de l’inertie initiale, se voit contraint d’entamer une seconde bataille contentieuse pour faire exécuter la première.
Ce double contentieux de l’obtention et de l’exécution accentue l’épuisement procédural des demandeurs, tout en affaiblissant la portée du contrôle juridictionnel.
V – Pour une refonte du contentieux des étrangers
Le constat impose une réforme structurelle.
Il ne s’agit plus seulement de désengorger les juridictions, mais de restaurer la confiance dans l’action administrative.
Plusieurs pistes s’imposent :
- réformer le régime du silence administratif, en prévoyant que le délai de quatre mois ne fasse naître un rejet qu’en cas de dossier effectivement clos ;
- instaurer une attestation automatique de prolongation d’instruction, générée par le système ANEF à chaque dépassement de délai ;
- renforcer les effectifs et la formation juridique au sein des préfectures ;
- recentrer le juge des référés sur sa mission protectrice, en lui permettant d’ordonner des mesures conservatoires même en présence d’un rejet implicite.
Tant que la justice restera le déclencheur de l’action administrative, la contradiction demeurera :
un droit qui se veut protecteur et attractif, mais dont la lenteur entrave la mobilité internationale et affaiblit la crédibilité de l’État de droit.
Le contentieux des étrangers révèle aujourd’hui une crise de l’efficacité administrative.
Sous couvert de rationalisation numérique, le système a substitué au dialogue une mécanique silencieuse où la décision implicite tient lieu de réponse.
Le juge, impuissant à corriger cette inertie, voit sa mission dévoyée.
Dans une France qui prétend attirer les talents, cette situation consacre un paradoxe : l’administration ne dit plus “non”, elle ne dit plus rien et c’est précisément ce silence qui bloque la mobilité, le travail et l’intégration.
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