Loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

Immigration

Régularisation exceptionnelle des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, carte de séjour « talent » pour les médecins étrangers, mesures sur l’intégration et l’asile, éloignement facilité en cas d’infractions graves… Que contient la loi sur l’immigration ?

Le texte initial présenté par le gouvernement contenait 27 articles, le texte voté par le Parlement 86 articles. Le Conseil constitutionnel a censuré plus du tiers de ces articles, introduits au cours de l’examen du texte au Sénat.

La loi comporte plusieurs volets : travail, intégration, éloignement mais aussi asile et contentieux des étrangers. 

Les travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension (BTP, aides à domicile, restauration…) pourront se voir délivrer à titre exceptionnel, comme aujourd’hui, une carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié ». Cependant, ils ne seront plus obligés de passer par leur employeur pour solliciter cette carte. Ils devront notamment justifier avoir travaillé au moins 12 mois (consécutifs ou non) au cours des 24 derniers mois, résider depuis 3 ans en France et de leur intégration. Les préfets disposeront d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder le titre. Cette mesure sera expérimentée jusqu’à fin 2026. Le texte initial du gouvernement allait plus loin en matière de travail puisqu’il prévoyait la délivrance automatique d’une carte de séjour « travail dans des métiers en tension »(sous certaines conditions), ainsi que l’accès immédiat au travail des demandeurs d’asile des pays les plus à risques (et donc susceptibles d’obtenir le statut de réfugié).

Pour répondre aux besoins de recrutement dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent – profession médicale et de la pharmacie » de 4 ans est instituée au profit des médecins, dentistes, sages-femmes ou pharmaciens praticiens diplômés hors Union européenne (PADHUE).

Les cartes de séjour « talent » destinées aux salariés qualifiés et aux porteurs de projet sont simplifiées.

Afin de lutter contre le travail illégal des travailleurs dits « des plateformes », la loi conditionne l’accès au statut d’auto-entrepreneur à la détention d’une carte autorisant à travailler sous ce statut.
Les sanctions contre les entreprises employant des travailleurs irréguliers sont renforcées.

Les étrangers qui demandent une première carte de séjour pluriannuelle devront avoir une connaissance minimale de la langue française (niveau A 2). Aujourd’hui, ces cartes de séjour, en général valables 4 ans, sont délivrées à la seule condition d’avoir suivi un apprentissage du français dans le cadre du contrat d’intégration républicain, mais sans obligation de résultat. Le niveau minimal de français exigé pour l’octroi d’une carte de résident et pour la naturalisation est par ailleurs relevé (niveaux B1 et B2). 

Les obligations des employeurs en matière de formation au français de leurs salariés étrangers sont renforcées. 

Tous les étrangers qui demandent un document de séjour devront s’engager à respecter les principes de la République par la signature d’un nouveau contrat (liberté d’expression et de conscience, égalité femmes-hommes, devise et symboles de la République…). Aujourd’hui, pour certains titres de séjour, cette condition de respect des principes républicains n’est pas prévue. En cas de rejet d’un de ces principes, les préfectures refuseront le titre de séjour ou pourront le retirer ou ne pas le renouveler.

Les étrangers victimes de « marchands de sommeil » ayant déposé plainte se verront délivrer une carte de séjour pendant la durée de la procédure pénale.

De nouveaux motifs de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait des cartes de séjour temporaire sont créés (fraude documentaire, infractions commises contre des élus ou des agents publics…). La menace grave pour l’ordre public devient un motif de non-renouvellement ou de retrait de la carte de résident. De plus, pour le renouvellement de certains titres longs, une condition de résidence habituelle en France est posée.

La loi entend faciliter l’éloignement des étrangers qui représentent une menace grave pour l’ordre public. Elle permettra l’expulsion des étrangers réguliers, même présents depuis longtemps en France ou y ayant des liens personnels et familiaux, condamnés notamment pour des crimes ou délits passibles d’au moins 3 ou 5 ans de prison, selon la situation de l’étranger, ou impliqués dans des violences contre des élus ou des agents publics. Parallèlement, le juge pourra plus largement prononcer une interdiction du territoire français (ITF). La loi supprime par ailleurs les protections dont bénéficient certains étrangers irréguliers (étranger arrivé en France avant ses 13 ans, conjoint de Français…) contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L’OQTF ne pourra être prise par la préfecture qu’après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de certains éléments (ancienneté de séjour et des liens de l’étranger avec la France…). Les mineurs étrangers continuent d’être protégés contre une OQTF.

Les étrangers visés par une OQTF et qui sont dans l’impossibilité de quitter la France (par exemple en cas de guerre dans leur pays) pourront être assignés à résidence pendant 3 ans maximum (contre un an aujourd’hui), sous certaines réserves émises par le Conseil constitutionnel.

Pour faciliter l’exécution des mesures d’éloignement, la loi permet de conditionner l’attribution de visas à la bonne délivrance des laissez-passer consulaires par les États étrangers

Le texte autorise la création d’un fichier des mineurs étrangers isolés délinquants. Il exclut, en outre, les jeunes étrangers majeurs de moins de 21 ans sortant de l’aide sociale à l’enfance et frappés d’une OQTF du bénéfice d’un contrat jeune majeur (accordé par les départements).

L’interdiction de placer en rétention administrative les mineurs étrangers est posée.

D’autres mesures pour lutter contre l’immigration irrégulière complètent le texte : répression accrue contre les passeurs et les « marchands de sommeil », contrôle visuel possible des voitures particulières en « zone-frontière » (et non plus seulement des camionnettes de plus de neuf places)…

La loi prévoit le déploiement progressif de pôles territoriaux dénommés « France asile » après mise en place de 3 sites pilotes, en remplacement des guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (GUDA). Ces pôles permettront en un même lieu l’enregistrement du demandeur d’asile par la préfecture, l’ouverture de droits par l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII) et l’introduction de la demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). 

L’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est aussi réformée, avec la création de chambres territoriales de la CNDA et la généralisation du juge unique. La formation collégiale ne sera saisie que pour les affaires complexes.

Les demandeurs d’asile qui présentent un risque de fuite ou une menace à l’ordre public (sortants de prison, interpellés…) pourront être assignés à résidence ou placés en rétention, sous certaines conditions.

Enfin, le contentieux des étrangers (qui représente 40% de l’activité des juridictions administratives) est simplifié. Le nombre de procédures contentieuses types est réduit de 12 à 3. Cette simplification s’inspire d’un rapport du Conseil d’État sur le sujet de 2020.  La loi comporte un dernier titre relatif aux Outre-mer.

Dans sa décision du 25 janvier 2024le Conseil constitutionnel a censuré pour motif de forme 32 articles (en tant que « cavaliers législatifs » : articles sans lien suffisant avec le texte initial) et 3 articles sur le fond (en partie ou en entier).

Ces dispositions censurées, introduites en quasi-totalité par le Sénat, portent notamment sur : 

  • l’instauration de quotas migratoires ;  
  • l’exigence d’une durée de séjour régulier imposé aux étrangers pour l’accès à certaines allocations (aides personnelles au logement -APL, allocations familiales…) ;  
  • le durcissement du regroupement familial ; 
  • les restrictions sur l’accès au séjour des étrangers malades ;
  • le dépôt d’une « caution de retour » pour les étudiants étrangers ; 
  • le rétablissement du délit de séjour irrégulier ;
  • les conditions d’accès à la nationalité française des jeunes nés en France de parents étrangers ; 
  • la prise d’empreintes digitales d’un étranger clandestin sans son consentement ;
  • les conditions d’hébergement d’urgence des étrangers visés par une mesure d’éloignement ;
  • la prise en compte dans l’attribution de l’aide publique au développement du degré de coopération des États étrangers en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.

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